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Bribes d’or pour une madone :


En Russie, on place les icônes dans le beau coin, qui est aussi le coin « rouge » en russe. À
l’intersection de deux pans de mur, l’icône se distingue ainsi clairement d’un objet d’art
décoratif pour se placer en objet de dévotion. On a tous l’image de ces vierges noircies de la
fumée des bougies, dont les traits se discernent à grand-peine sous la suie. Les figures de
Laure prennent l’envers de cette austérité. Dorées, pailletées, colorées, voilà des icônes qui
ne craignent ni les fioritures ni les apparats. Travaillées comme des pièces d’orfèvrerie, ces
icônes acceptent le decorum et la joliesse. Et lorsque les vierges pleurent, ce sont des larmes
de perles ou d’étoiles qui apparaissent. Dans des compositions à l’apparence d’enluminures,
la mater dolorosa prend dès lors l’atour d’une princesse de conte de fée qui assume
pleinement sa féminité sous ses parures colorées, ses fleurs et ses bijoux. Tout en courbes, la
piétà se fait ondine cuivrée et vermeil. On goûte ainsi la substance vaporeuse du rêve et de
l’idylle. C’est joli.

Elora Weill-Engerer

Exposition L'Or clair des contes :

Laure a choisi de vivre avec intensité, sans attendre.

Outre ses études en histoire de l'art, ses engagements professionnels et associatifs pluriels, sa passion pour l'art et la vie, Laure peint, joue, chante, photographie. Aujourd'hui, elle se présente volontiers comme illustratrice.

Elle donne forme aux créatures qui peuplent son esprit et hantent sa figure. Ses icônes sont riches d'or et de sens : les femmes qu'elle dépeint sont multiples et fortes, inspirantes.

Sibylle Vabre

https://sibyllevabre.wixsite.com/lagaleriesanslieu/lorclair

Exposition Eglise de la Madeleine :

Les icônes de Laure Saffroy-Lepesqueur ont troqué l’auréole pour les cernes. Bien sûr, un cercle doré, sans nul doute divin, coiffe ses icônes. Mais c’est bien sous les yeux que se concentre toute la sacralité d’une rencontre : l’icône et le monde contemporain, l’immobilité extatique et l’épuisement évident de nos vies frénétiques.

 

Déplorent-elles un manque de sacralité chronique ? En les voyant, on est désarçonné. Nul besoin de matériaux nobles pour exprimer un sentiment de transcendance. Le bois et l’oeuf à l’époque, une feuille et de la gouache désormais, l’essentiel suffit face à une urgence d’élévation.

 

C’est pour cela que les icônes vous apparaissent brutes, dans leur simple appareil. Les traditionnels visages que nous connaissons aux icônes s’en sont allés. Leurs visages émaciés tranchent alors avec les fonds dorés. Entourés de motifs colorés, de bourgeons, de paillettes et de grands aplats, quelque chose ne va pourtant pas.

 

Les cernes se creusent. Ce sont désormais des auréoles qui ressentent la gravité terrestre. Elles nous font nous rendre compte que derrière chaque icône, il y a un portrait. Il y a quelqu’un, avec ses émotions, avec une histoire, simplement.

 

D’ailleurs, toute l’oeuvre de Laure Saffroy-Lepesqueur aurait pu commencer par : « Il était une fois, dans un salon familial, un tableau qui lui faisait extraordinairement peur ». C’était une icône.

 

Pour conjurer le passé, Laure Saffroy-Lepesqueur les reproduit. Autant qu’il en faudra, pour diffuser un visage : celui, principalement, de la femme dans la spiritualité.

Paul Joubert

Exposition Naître avec le Printemps, mourir avec les roses :

Les oeuvres de Laure Saffroy-Lepesqueur se rassemblent le temps d'une salutation au printemps. Ces portraits, parfois peinture, dessin ou collage, à la technique enlevée, libre et inspirée, sont une galerie de visages impénétrables. Habitées de leur monde intérieur, ces femmes ont le visage auréolé de fleurs. Le symbole, faussement naïf, est d'une violence inouïe. L'analogie femme-fleur, qui connut son heure à la Belle Epoque, ne cesse de remettre en question le rapport compliqué qu'entretiennent les femmes à la beauté, et à ce que peut être la féminité. Le topos de la femme-fleur renvoie à l'idée d'une beauté qui se fane vite, déjà chez Ronsard qui enjoignait à “cueillir dès aujourd'hui les roses de la vie” à la femme qu'il courtisait, avant qu'elle ne soit plus assez fraîche à son goût. Il s'agit bien là de réduire l'existence d'une femme à ses qualités ornementales ou reproductives. Laure Saffroy-Lepesqueur renverse et subvertit cette imagerie dégradante. Revendiquant la floralité des femmes, elle fait de ces dernières les détentrices et les chercheuses d'une beauté unique, une forme de féminité mystique aussi sublime que douloureusement incomprise. Le travail de Laure Saffroy-Lepesqueur est donc une quête de beauté, une recherche honnête, à la fois simple et immensément ambitieuse. Cette beauté est indissociable de la tragédie des corps féminins réifiés, exploités, détournés et finalement inaccessibles dans leur vérité. La féminité tragique, traumatique se lit dans les regards blessés, les allusions à l'Ophélie de Hamlet, les pétales fanés : le désastre, jamais nommé, n'est pas loin. Mais la douleur, le passage du temps et la tragédie des femmes n'est pas réservée aux plus âgées, au contraire : les roses sur le point de faner ont les formes et les couleurs les plus complexes. C'est aux jeunes visages qu'est réservée la tristesse. Ce doux paradoxe est celui du printemps, où les fleurs et les fruits jeunes sont les plus acides, alors que les plus mûrs sont sucrés. Même le mot sert à parler du renouveau, mais aussi de l'âge que l'on prend. Ainsi naît un temps cyclique parallèle à celui de la menstruation, où le début est dans la fin et la fin dans le début, voué à toujours renaître. La vérité nue, incompréhensible aux défenseurs de la culture patriarcale, est cachée derrière les paupières closes, les regards de défi, les masques et les jeux. En filigrane des figures oniriques, la réalité sociale n'est jamais loin. Que l'on se fie aux lignes concentriques comme à des topographies dansantes : les espaces de la ville, de la fête, du rêve et de la pensée ne cessent de s'entrecroiser dans des instants de feu pétillant où surgit la grande, mystérieuse et inépuisable question de la féminité.

Kimberley Harthoorn

Contemporary Icons

[... ] Over fifty of Laure’s paintings were exhibited last February at the majestic Madeleine Church in Paris. The church’s basement – called The Foyer de la Madeleine – is an interesting platform for local artists run by an association (Madeleine 2000) that regularly organises temporary art exhibitions within the church’s interiors.

The natural softened light of this location and the subdued atmosphere allowed this artist to show a selection of works on paper inspired by traditional painted icons. As Laure explained: “My intention with the series of Contemporary icons was not to imitate religious painting as my works were not conceived as figures of devotion. Nevertheless, I believe that to some extent they carry a certain degree of spirituality, but a different kind of spirituality, one that is not necessarily religious.”

Laure’s very personal interpretation of painted icons allowed her to explore with colour as well as with texture as she defines herself as a relentless soul always in the search of beautiful impressions. [...]

Mariela Saldias

Article : http://www.thefashionglobe.com/laure-saffroy-lepesqueur-faiseuse-dimages

Exposition L'or clair des contes :

Le travail de Laure Saffroy-Lepesqueur est en effet hautement symbolique. Il est saturé de visages à la bouche fermée et aux yeux si grands qu’ils disent d’étranges silences. Même lorsqu’ils sont clos. Indubitablement, tous donnent aussi à sentir une présence. Qu’ils prennent forme sur des feuilles volantes, qu’ils soient enfermés dans des cadres ou se déploient dans des formats plus imposants, leurs corps sont posés là, sur les supports, comme des images fugaces que Laure aurait arrêtées le temps d’un déchirant chant d’amour. A la façon d’icônes byzantines, certains présentent un fond d’or et sont traités en de frontaux aplats de couleurs. D’autres, plus suaves, sont des Saintes à l’allure de massives montagnes sur lesquelles ruissellent des torrents de cheveux liant le ciel à la terre en un cycle de décapitation éternel. Mais toutes sont les représentants de contrées merveilleuses, donc ambiguës.

C’est que, depuis leurs douces et oniriques tonalités, ses tableaux sont comme des portes qui attendent d’être ouvertes pour laisser exploser les mondes que les créatures cachent sous leur peau. Ce sont les histoires de Reines Rêvées Malades, ou de Vénus Vides, qui côtoient des Portraits de roses se fanant. D’autres, encore, reçoivent des paillettes, des perles, des confettis brillants qui attirent l’œil… pour mieux masquer leur infinie douleur.

A la façon des images sacrées, reliques que l’on caresse du bout des doigts ou que l’on embrasse en secret depuis les jubés médiévaux, les tableaux de Laure Saffroy-Lepesqueur sont des icônes qui parlent et partent de l’incarnation. Des objets matériels signalant une présence divine qu’il s’agit de recevoir en se laissant toucher. Or ici, s’il est bien question d’anges déchus, de Marie Madeleine et d’Annonciations, sont aussi donnés à voir des Cariatides et autres Paysages oniriques débouchant sur les Prêtresses au regard de feu. Le sacré chez Laure Saffroy-Lepesqueur n’est pas adressé à un dieu unique, mais il prend forme dans la vie vivante même, à la manière des notes irradiantes qui s’échappent du ventre de l’artiste lorsqu’elle chante. Il y est question d’amour, de danse, d’ivresse, de la tristesse universelle posée là, sur le bureau, comme si ça n’était pas grave. Et surtout de beauté.

Cette dernière est d’ailleurs majoritairement féminine. Or, chez Laure, « les femmes pensent. Il y a une part d’esprit qu’on a trop négligé dans le féminin. On leur assigne un rôle, mais c’est important pour moi qu’elles ne soient pas purement décoratives. C’est leur rendre un peu justice». Il n’est donc pas question de pure contemplation esthétique. Toutes les femmes qui nous sont données à voir sont ainsi glorieuses. Dignes, et conscientes de leur fragilité, elles sont droites et ne perdent jamais leur honneur. De cette façon, est introduite Marie-Madeleine dans une Grande Trinité et la Méduse décapitée est parée d’une auréole, promesse du repos auquel elle aspire depuis son viol par le dieu des mers, Poséïdon. La Vénus Vide dit encore tout le tragique de la beauté : impossible, elle fait se lithifier la déesse devenue sainte incapable de vivre dans le monde. Mais les fleurs qui ne peuvent s’empêcher de pousser sur son visage montrent bien qu’elle est nécessaire.

Tout comme l’hostie se refusant à la vue des fidèles lorsque le prêtre officie de dos, ou ces statues protégées dans l’espace sacré du temple et ne sortent du naos qu’une fois l’an, les visages ainsi masqués ménagent aussi de l’érotisme en ce qu’ils se soustraient à la voracité d’une consommation rapide et avide. Hors du tumulte de la rue et de l’ahurissement du temps, l’or clair des contes se dévoile à qui connaît l’engagement. La règle en est simple, et vous l’avez entendue. Ainsi avez-vous donné pour recevoir.

Afin de présenter les œuvres et introduire le regardeur d’objets face à ce qui, en lui-même, ne se laisse pas formuler, Lanassa Wolf, commissaire cartomancienne ordonnant le discours, prêtresse intercesseuse, ou médiatrice culturelle en smoking, a choisi d’opérer en ouvrant un espace symbolique prenant la forme du rituel. Recevant chaque visiteur.se comme un.e souverain.e qu’il s’agit d’honorer, elle écoute et ressent afin de choisir celles des cartes/tableaux qui le/la toucheront le plus. Mais elle sait bien que l’on ne reçoit jamais autant que lorsqu’on donne. Lorsque l’on s’engage pleinement. Obsédée par l’union, elle déambule dans l’espace de la galerie avant l’apocalypse. Le dévoilement s’opère à la façon d’un tirage de tarot dans lequel les images sont appelées à toucher directement le cœur de celles et ceux à qui elles s’adressent. Car où chercher le symbole sinon dans l’œil – et donc le corps – du regardeur qui fait ainsi l’œuvre ?

C’est que ces contrées ne se laissent pas visiter si légèrement. Tout comme les contes sont loin d’être ces histoires anodines que l’on donne aux enfants afin qu’ils s’endorment, les tableaux de Laure Saffroy-Lepesqueur sont d’une beauté vénéneuse. Cette femme, Flora, au visage barré de roses dont s’écoulent des perles rondes, n’a-t-elle pas les yeux crevés ? Et la Mère Terrible de Goldmund, à la tête inclinée en une interrogation d’un autre monde mais dont les yeux sont si vides, ne dit-elle pas les abîmes béants dans lesquels on s’écorche dès que l’on s’embrasse ? Que l’on vit, enfin.

L’espace se déchire et le temps se rompt en un point infini.
Espériez-vous donc rencontrer l’universel sans accepter de le chercher avec votre propre corps ?

Claire Parizel.

http://www.la-geode.com/?p=490

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